L’union européenne compte 27 États membres, 492 millions de citoyens dont 375 millions d’électeurs pour élire 736 députés (dont 74 en France) : c’est le second plus grand électorat au monde derrière l’Inde.
Et pourtant : depuis quelques années, on constate une désaffection croissante des français pour les institutions européennes qui souffrent d’une sorte de réaction dévaluatoire, débouchant sur un taux d’abstention de près de 60% aux élections européennes de 2004. Ce désamour ne doit pas être confondu avec un désintérêt pour l’Europe en soi, car les taux de participation lors des deux derniers référendums ont bien montré la capacité de l’électorat à se mobiliser sur des questions européennes.
Les dernières années ont également vu une polarisation entre ceux qui pensent que construction de l’union européenne est un processus de destruction sociale, et ceux qui pensent que globalement elle a aussi été un facteur de paix (Jean Monnet) et de construction sociale dans un certain nombre de pays comme l’Irlande, l’Espagne et le Portugal qui ont rattrapé leur retard grâce à l’UE.
L’objectif de cette intervention est donc de rappeler brièvement qui fait quoi dans les institutions européennes, de déconstruire un certain nombre de préjugés en démontrant l’intérêt de l’UE et ses apports concrets dans le quotidien des citoyens.
1. Rôle et fonctions des institutions européennes
Il y a 6 institutions européennes importantes :
• Une institution qui propose et exécute : la Commission européenne (Bruxelles)
Commission européenne : président choisi dans le cadre d’une négociation diplomatique entre les différents États Membres, après quoi le Parlement donne son aval. La composition de la Commission (27 commissaires) est ensuite choisie par le président et adoptée ou rejetée en bloc par le Parlement.
• Une institution qui recommande : le Conseil européen
Conseil européen : encore connu comme « le sommet des Chefs d’État » ou de gouvernement des 27 États membres. Ils se réunissent au moins 4 fois par an, systématiquement au début et à la fin de chaque présidence tournante. Cette instance recommande les grandes orientations de l’UE.
• Trois institutions qui décident : le conseil des ministres (conseil de l’union européenne), la cour de justice des communautés européennes et la Banque centrale européenne
Conseil des ministres : c’est la réunion des ministres des 27 gouvernements par matière comme par exemple le conseil des Affaires Générales avec les ministres des affaires étrangères, conseil des ministres agriculture, économie et finances, etc. C’est l’instance de décision au quotidien la plus importante des institutions européennes, elle décide sur proposition de la Commission européenne des orientations prises par les 27 gouvernements. L’essentiel des décisions sont donc prises au sein de ce Conseil.
Cour de justice des communautés européennes : chargée de trancher des litiges, elle rend des arrêts qui ont force exécutoire, et sort parfois du cadre des traités en créant un droit nouveau (cf. deux arrêts récents qui légalisent le dumping social)
La Banque centrale européenne : créée pour émettre l’euro et gérer zone euro, indépendante des gouvernements nationaux, du conseil européen, et du conseil des ministres, son président n’a de compte à rendre à personne et pour mission de combattre l’inflation quelles que soient les répercussions sur l’emploi et l’activité économique.
• Une institution qui délibère : le Parlement européen
Le Parlement est l’institution qui a le plus évolué depuis les débuts de la construction européenne, tant au niveau de sa composition que de ses prérogatives.
• C’est la seule institution démocratique car désignée directement par les peuples au suffrage universel depuis 1979
• La dernière législature comptait 785 députés dont 78 français, siégeant en fonction de leur appartenance politique (PPE = 277 députés, PSE : 218 députés, 42 pour les verts et 102 pour les libéraux et démocrates)
Rôle du Parlement
• Historiquement, un parlement fait trois choses :
- Voter des lois
- Voter les recettes (impôts) et les dépenses (budget)
- Contrôler le pouvoir exécutif
S’agissant du vote des Lois (adoption des actes communautaires) : le Parlement a des compétences législatives renforcées.
- Sur les textes proposés par la Commission, parfois à son invitation, le Parlement (représentant les citoyens) a à se prononcer tout comme le Conseil des ministres (représentant les États).
- Au fil des traités son rôle a été renforcé, lui permettant, désormais, de modifier le contenu du texte proposé, avant de l’adopter.
- Dans les faits, le parlement européen n’a pas le droit de proposer de loi (monopole d’initiative de la CE) mais dans 42 domaines quand la CE fait une proposition, elle est soumise en même temps au parlement et au conseil des ministres qui l’examinent chacun de leur côté : c’est ce qui est connu comme la procédure de co-décision. En cas de désaccord, le parlement a alors un pouvoir de véto – qu’il a très peu utilisé jusqu’à présent : 4 fois en 10 ans.
- En dehors de ces 42 domaines ou le Parlement est un co-législateur, il peut parler de tout, notamment sur les grands dossiers internationaux, mais il ne peut décider sur les politiques étrangères, les politiques monétaires, fiscales, commerciales, économiques, agricoles et de l’emploi.
Concernant les dépenses, le Parlement a une compétence budgétaire ancienne : le projet de budget, élaboré par le Conseil des ministres sur proposition de la Commission, est soumis au Parlement qui a, en outre, le dernier mot pour les dépenses non-obligatoires (celles qui ne découlent pas nécessairement du traité).
Enfin, à propos du contrôle de l’exécutif de l’UE : le Parlement peut censurer la Commission qui doit alors démissionner. Cette procédure n’a jamais été mise en œuvre, mais la menace d’une telle censure est à l’origine de la démission de la commission présidée par Jacques Santer en 1999 (suite notamment à la mise en cause pour délit de favoritisme d’Édith Cresson qui était alors commissaire européen). Le choix du président et des membres de la Commission est soumis à l’approbation du Parlement. Il peut aussi poser des questions écrites ou orales au Conseil et à la Commission, recevoir des pétitions des citoyens et constituer des commissions d’enquête temporaires.
2. L’Europe et les collectivités territoriales
Les collectivités territoriales se voient attribuer près de 37,5% des fonds communautaires au titre de la politique de cohésion et mettent en œuvre près des 3/4 des décisions prises à Bruxelles. Ratification du traité de Lisbonne devrait renforcer encore plus le rôle des collectivités territoriales dans le processus de décision communautaire.
Elles ont été relativement absentes du processus institutionnel jusqu’au Traité de Maastricht en 1992 qui a renforcé leur rôle, en donnant lieu notamment à la création (1994) du Comité des régions permettant aux instances locales et régionales de donner leur avis sur la législation adoptée au niveau européen (les trois quart des législations communautaires étant mises en place au niveau local ou régional). D’une certaine façon, le Comité des régions répond au besoin de l’UE d’accroître sa légitimité démocratique en essayant de se rapprocher davantage des citoyens, par l’intermédiaire des élus locaux. Mais cette assemblée n’a qu’un rôle consultatif.
Le traité de Maastricht (1992) a défini 5 domaines pour lesquels la Commission et le Conseil doivent consulter le Comité des Régions puisqu’ils impliquent des répercussions au niveau local ou régional :
• La cohésion économique et sociale
• Les réseaux d’infrastructure transeuropéens
• La santé
• L’éducation
• La culture
Le traité d’Amsterdam (1997) a ajouté cinq domaines supplémentaires :
• La politique de l’emploi
• La politique sociale
• L’environnement
• La formation professionnelle
• Les transports
Infrastructures, emploi, formation, aides aux entreprises... dans tous ces domaines, l’Union européenne cofinance des projets dans les régions de ses membres. C’est un sacré coup de pouce : la politique régionale représente le deuxième plus gros budget européen, après l’agriculture. Plus d’un tiers du budget total. Ces aides sont octroyées par l’intermédiaire de programmes de financements européens appelés fonds structurels européens dont les régions bénéficient directement dans le cadre de la politique de cohésion territoriale de l’UE. Le but principal : aider les régions les plus pauvres à rattraper leur retard. Les subventions régionales, qu’on appelle les fonds structurels, sont attribuées sur des périodes budgétaires de sept ans. Où vont les aides de l’UE et quels sont ces fonds ?
Les deux principaux fonds sont le FSE et le FEDER
• Fonds européen de développement régional (FEDER), créé en 1975 pour réduire les disparités régionales dans l’union et encourager le développement et la reconversion des régions : c’est le principal instrument de la politique régionale communautaire. Il sert principalement à co-financer les investissements productifs pour créer ou maintenir des emplois durables, construire des infrastructures nécessaires au développement territorial dans des domaines divers : réhabilitation urbaine, reconversion industrielle, transports, technologies de communication, recherche et innovation, tourisme etc.
• Fonds social européen (FSE) tend à prévenir et lutter contre le chômage, développer les ressources humaines et encourager l’intégration du marché du travail, favoriser l’accès à l’emploi des personnes inactives, femmes, et migrants, permettre l’intégration sociale des personnes défavorisées, réformer les systèmes éducatifs avec la mise en réseau des établissements d’enseignement
Pour la France, les Fonds structures représentent pour la période 2007-2013 un peu plus de 9 milliards d’euros dont 700 millions environ pour Ile de France consacrés à l’emploi, au développement économique notamment dans les quartiers en difficulté, à la formation (535 millions pour FSE, 151 millions pour FEDER et 13 millions pour FEADER, Fonds européen agricole de développement rural pour encourager les actions en faveur de la compétitivité du secteur agricole)
Exemples de projets (partiellement) financés en Ile de France dans le cadre du Fonds social européen :
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Sur la période 2000 - 2006
Ecoles de la deuxième chance : implantée en Seine saint Denis, elle forme des jeunes pour leur permettre un accès à l’emploi (70% de sorties positives)
Baby loup : financement d’une association qui aide les familles, notamment monoparentales, à faire face à la flexibilité du temps de travail, par le biais d’une crèche ouverte 24h/24 et 7j/7 à Chanteloup les Vignes (78)
Unis cité : financement d’une association parisienne qui promeut le service civil volontaire dans le domaine de la lutte contre l’exclusion
Solidarité Entreprises : financement d’une association aidant les demandeurs d’emploi à créer leur entreprise de services à la personne
Chambre de commerce et d’industrie de Paris-Petite couronne : financement du projet conduit par la CCIP dans le Val de Marne (94) permettant aux PME de se développer à l’export par l’entremise de jeunes diplômés
Sur la période 2007 – 2013 (programmation de 30 millions d’euros)
La maison de l’emploi et de la formation de Nanterre
15 missions locales (accès des jeunes à l’emploi)
Autre exemple concret : coopération entre les villes nouvelles, notamment en matière environnementale. Le projet "Encourage" rassemble ainsi cinq villes nouvelles du Nord de l’Europe : Torfaen au Pays de Galles, Stevenage près de Londres, Zoertemeer aux Pays-Bas, Marne-la-Vallée et Sénart en Seine-et- Marne. Il s’agit de développer des bâtiments de conception écologique pour les hautes technologies, d’utilisation d’énergies renouvelables ou encore de développer des pistes cyclables au sein de parcs d’activités. Sur la période 2000 - 2006, le projet a représenté 9,4 millions EUR dont 5 millions sont apportés par les Fonds structurels européens.
Conclusion : L’UE s’inscrit dans nos quotidiens de façon concrète en contribuant au financement de politiques publiques locales et de nombreux programmes d’actions. A l’échelle de Pontoise, peut-être que certains grands projets pour la ville de Pontoise comme désenclavement de certains quartiers de la ville, la couverture de la départementale qui sépare Marcouville du reste de Pontoise, ou encore le quartier Bossut sont éligibles à ce type de financement puisqu’ils semblent hors de portée des budgets municipaux ou d’agglomération.
En conclusion, je dirai que l’Europe n’est pas un État, mais une zone économique de libre échange, de libre circulation qui harmonise des règlements, qui a certaines compétences politiques, qui pour certains devrait en avoir d’autres : ces débats se déroulent dans la structure politique qu’est son parlement et la qualité d’implication des personnes que votre vote enverra siéger comptera autant que les disciplines de groupe politique. Sur des grands sujets il y a eu des vraies batailles (directive Bolkenstein par exemple). Mais pour conduire ces batailles pour une Europe plus sociale, plus écologique et plus juste, il faut que les électeurs votent, le 7 juin prochain, pour une majorité de gauche au Parlement.
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