Un projet sans lien avec les habitants
Le Permis de construire a été demandé et obtenu par le bailleur social Erigère. Cet espace est quasi inconnu des locataires de la résidence en conséquence il est donc très sous- employé. Pontoise Ensemble a enquêté au service d’urbanisme à la suite de cet affichage. Il s’agirait de créer une cuisine professionnelle dédiée à la formation « à l’art culinaire » et à la production d’aliments cuisinés de type traiteur. Elle sera exploitée par l’association « Les Déterminés », qui se présente comme un « accélérateur entrepreneurial culinaire ».
Tout en regrettant que ce local collectif résidentiel ne puisse plus être utilisé selon sa vocation initiale c’est-à-dire par les habitants eux-mêmes, nous espérons que les nuisances sonores et olfactives d’une cuisine professionnelle seront suffisamment bien traitées pour ne pas dégrader la qualité de vie des résidents aux alentours. Les habitants peuvent s’organiser dans ce but avec éventuellement l’appui des grandes associations de locataires de l’AFOC ou de la CLCV. Les résidents devraient aussi obtenir assez facilement de leur bailleur une autre salle pour leurs réunions. Erigère - ex-Logis social dispose pour cela d’autres LCR dans ce secteur des Cordeliers. Nous formons enfin le vœu que cette cuisine professionnelle ne devienne pas un de ces faux restaurants, « tout à emporter », qui concurrencerait fortement les petits restaurants locaux.
Le Local Collectif Résidentiel , un beau projet du 20e siècle
Il s’agit des « mètres carrés sociaux », à construire par le promoteur en fonction du nombre de logement construits avec des aides de l’Etat. Cette construction de Local collectif résidentiel a été obligatoire de 1960 à 1969, puis de 1971 à 1986. Ce fut donc quasiment le cas de tous les programmes mixant habitat social et accession sociale à la propriété construits les premiers temps de la ville nouvelle de Cergy-Pontoise. Rappelons que les constructions ont démarré à Pontoise, le cœur historique, sur le plateau des Louvrais. Ces locaux collectifs résidentiels étaient créés pour accueillir des services et activités pour les habitants et notamment pour les jeunes. Ils devaient jouer un rôle privilégié dans la naissance et le développement de la vie sociale dès l’ouverture du groupe d’habitation.
Les grands programmes n’étant plus d’actualité, on a construit de moins en moins de LCR au point qu’en 1977, ils étaient devenus obligatoires dans les ensembles HLM comportant au moins cinquante logements.
Quelques LCR pontoisiens
Une circulaire de 1965 prévoit 3 types d’utilisations possibles :
– « liées au logement » : comme des ateliers de bricolage, buanderie, coopérative d’achat,
– « collectives » : comme les réunions de jeunes et d’adultes,
– « collectives spécialisées » comme les LCR réservés à des ateliers ou à des clubs.
De fait dans nos quartiers comme aux Maradas à Pontoise, et aux Plants à Cergy qui mixent copropriété et habitat social, ils ont souvent été construits séparément des logements, pour que l’accès indépendant des immeubles en facilite l’usage. Plus coûteux à entretenir et à gérer qu’un rez de jardin, les copropriétaires ont assez vite confié cette charge aux villes. Ce sont donc les villes-ci qui les ont mis à disposition d’associations locales, ponctuellement ou de façon permanente. Par exemple aux Maradas, cela a permis l’essor de l’accordéon-club de Pontoise.
Les grandes résidences locatives sociales avaient plutôt intégré leurs locaux collectifs résidentiels en pied d’immeuble, parfois demi-enterrés, le plus souvent du côté parking. A Pontoise par exemple c’est le cas rue de Provence et rue de Bobligen. Ces LCR accueillent actuellement des actions de soutien scolaire associatives ou des activités de jeunes, encadrées par des associations type « La Sauvegarde ».
Pertinence et opportunité des LCR au 21e siècle
A Sevran en vue de la rénovation urbaine d’un quartier en grande difficulté des réflexions collectives ont été menées sur le rôle possible des LCR. Elles sont exposées sur un site dédié « Lieux communs ».
La crise sanitaire et la crise économique associée montrent la « nécessité de créer des lieux de convivialité, de service et d’accueil des publics » indique ce site qui projette même « le développement de l’habitat inclusif, nouvelle solution d’intégration sociale des personnes porteuses de handicap ou dépendantes, induit aussi de nouveaux besoins de mise à disposition d’espaces communs pour les habitants et pour des services médico-sociaux. » Et il conclut que « l’enjeu est d’autant plus important qu’il est créateur d’emploi, et donc particulièrement sensible dans ces quartiers ».
Lieux communs souligne aussi que « l’absence d’animation en rez-de-chaussée facilite l’installation d’activités illicites apportant des nuisances importantes ». Il conclut enfin que « le sous-emploi de ces locaux collectifs résidentiels dans les résidences sociales » est d’autant plus regrettable que « les besoins grandissent » du fait de la précarisation et le vieillissement des habitants de ces quartiers, alors que les communes et autres pouvoirs publics sont déjà la peine pour répondre aux besoins actuels.
Nous partageons complètement ces analyses et l’importance du rôle potentiel des LCR dans nos quartiers. A Pontoise pas plus qu’ailleurs, l’heure ne devrait pas être à la privatisation de leur usage mais bien à leur renforcement ! Nous regrettons donc qu’au dernier congrès des bailleurs sociaux à Lyon, le Gouvernement ait plutôt incité les bailleurs sociaux à transformer leurs LCR en logements ! Heureusement, la localisation de bon nombre d’entre eux rend le projet inapplicable.
Innover pour réactiver les LCR
Ces travaux devraient selon nous inspirer les rénovations envisagées à Pontoise, tant aux Louvrais-Cordeliers qu’à Marcouville. La priorité à Sevran serait l’inclusion sociale en mixant les publics au sein de ces espaces : « le nombre des personnes concernées par les problématiques de handicap et de dépendance va augmenter mais ces lieux collectifs doivent être ouverts à tous car les besoins sont importants pour l’ensemble de la population, notamment les jeunes ». C’est cette mixité sociale qui permettra de « développer des logiques de solidarité et d’interconnaissance entre les différents publics ».
Gérer la mixité des publics et des usages dans un LCR est bien plus difficile que la défausse habituelle sur une association, ou une entreprise même d’insertion comme c’est envisagé rue du Vexin à Pontoise. Il faut donc innover tant socialement qu’économiquement et inventer des nouveaux modes de coopération entre institutions, habitants et associations. Ce n’est pas la coutume à Pontoise mais certaines collectivités territoriales savent déjà s’organiser activement dans le fonctionnement des LCR.
Ainsi à Rennes, depuis 1977 l’APRAS est une association loi 1901 quasi unique en son genre. Elle regroupe 9 membres institutionnels : la Ville de Rennes, Rennes Métropole, le Conseil Départemental, quatre bailleurs sociaux, le CCAS de la Ville de Rennes et la CAF d’Ille et Vilaine. Cette mise en commun de moyens permet à 300 Associations et Collectifs d’habitants d’être accueillis dans ces locaux. Les salles polyvalentes abritent près de 1000 heures d’activités par semaines pendant l’année scolaire. D’autres locaux sont par ailleurs affectés à une ou plusieurs associations pour trois ans.
N’est-il pas temps que les coutumes changent à Pontoise ?
Pour aller plus loin :
Le site de Lieux communs à Sevran
Les discours politiques du congrès HLM 2021
Le site de l’APRAS association qui valorise l’ensemble des LCR de Rennes métropole
Le site de l’APES, association en charge de la gestion des LCR des quartiers politiques de la ville à Pontoise
Pièce jointe : les aléas législatifs des LCR
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