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Décrochage scolaire : nouvelles pistes d’action ?

vendredi 9 décembre 2016
par  Bénédicte ARIES
popularité : 6%

Pour les jeunes qui ont besoin de se confronter au réel ou d’aller au bout de leur questionnement personnel,dans notre société qui n’intègre que les travailleurs formés, le décrochage dès 16 ans se révèle souvent une impasse.

Les témoignages de notre table ronde prouvaient qu’être mineur interdisait pratiquement toute insertion professionnelle. En conséquence isolement et désocialisation guettent ces jeunes. Il faut absolument les accompagner dans cet âge fragile sur le plan émotionnel et savoir leur ouvrir le champ des possibles au-delà parfois des contingences scolaires.

Témoignages

Etienne, a décroché à dans sa 17e année, il constate que si la difficulté est plus grande quand on est mineur, après le Bac rien n’est acquis. " Il y a une réelle difficulté à trouver du travail. A 16 ans on ne peut plus travailler aujourd’hui. Les entreprises n’offrent pas de possibilité à des jeunes en difficulté. Il y a une barre sociale dans le fait d’être décrocheur. Cela dit des jeunes qui ont été jusqu’au Bac peuvent se trouver décrocheurs après, quant au bout de trois mois ils arrêtent la Fac". . De fait, s’ils ne sont plus étiquetés décrocheurs, ils font partie des 18-24 ans reconnus "sortants précoce du système scolaire". Mais devenus majeurs, il leur est loisible de s’inscrire comme demandeur d’emploi et d’être aidés par la Mission locale.

Ernesto Vidal, réfèrent de la Mission de lutte contre le décrochage scolaire au lycée Pissarro, revient sur le projet local de prévention 2016-2017 : "Il s’agit de mettre en place des structures d’aide et de prévention du décrochage. Nous avons reçu une subvention de la région pour faire intervenir des extérieurs, monter des groupes de parole. On veut que les élèves mettent entre parenthèse leur scolarité."

Il s’agit de prendre enfin en compte les incompatibilités émotionnelles des jeunes : " On veut travailler sur les signes envoyés par les élèves. Avec les professeurs en haut et les élèves en bas, les élèves rebelles dysfonctionnent dans ce système."

Matthieu, Intervenant théâtre au lycée Pissaro, développe ce concept qui vient d’être subventionné par la Région Ile-de-France. " Nous proposons une activité théâtre, des espaces ludiques d’expression, des espaces de parole et d’échange. (...) On va tenter des expériences de tout type au lycée. Il faut qu’ils s’amusent. (...) On va créer un espace dans lequel ils s’éclatent. "

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L’année de césure n’est pas impossible

Le soutien de la Région à ce projet du lycée Pissarro qui veut "donner de l’air" aux adolescents en voie de décrochage est un indicateur très positif. Apporter cette offre non scolaire au coeur du lycée permettra à plus de jeunes de profiter des bienfaits d’une période "blanche" vécue sans exclusion ni stigmatisation.

L’organisation d’une parenthèse de ce type relevait jusqu’ici de le seule initiative de familles (aisées ou très informées) qui savaient organiser une période de césure à l’étranger pour leur adolescent en voie de décrochage... En effet des accords internationaux permettent que les mineurs soient inscrits facilement dans l’établissement d’enseignement d’un autre pays. Certains organismes prennent en charge le dossier à prix coûtant. D’autres, comme le Rotary via son programme "Youth exchange", organisent l’accueil gracieux dans des familles bénévoles en soutenant les démarches administratives. Les villes pourraient s’impliquer dans ce sens via leur réseau de jumelage.

Cette période, qui peut aller jusqu’à l’année, sera blanche au niveau du cursus scolaire français. Mais elle sera enrichissante pour l’adolescent en échec s’il est volontaire pour vivre cette expérience à l’étranger : il se structurera dans un milieu neuf et reviendra avec des compétences linguistiques valorisantes et une motivation scolaire plus claire.

Un fait de société

Comme d’autres intervenants, Matthieu souligne qu’il ne s’agit pas seulement d’une fragilité personnelle du décrocheur : "Le système est super violent. On gère des flux (sous-entendu, dans les filières d’orientation). Les gamins sont victimes d’un système. C’est un gâchis réellement insupportable. Un gamin part 3 ou 4 ans sur un rail et il ne peut pas en sortir."

Il élargit le débat en interrogeant : "On se demande dans quelle mesure le décrochage n’est pas une chance. Pourquoi ces gamins ne seraient pas des gens plus sensibles qui comprendraient qu’il n’y a rien à espérer dans ce monde ? Il y a le savoir et le savoir-faire. Pourquoi pas créer une association des décrocheurs ?"

Professionnels et chercheurs confirment que tout ne peut être résolu par l’école. Pour Danielle Zay, professeur à l’université de Lille : « L’école n’est qu’un facteur parmi d’autres de mise en échec des jeunes. Elle ne peut pas résoudre seule les problèmes scolaires, Ceux-ci sont liés à d’autres problèmes pour lesquels les jeunes en difficulté ont généralement affaire à d’autres instances que l’école. C’est pourquoi, la prévention de l’exclusion scolaire et sociale des jeunes relève d’un partenariat entre les différents personnels en charge des jeunes « à risque ». Ceux-ci ont à apprendre à travailler ensemble et à s’associer dans des réseaux d’action qui ne s’adressent pas qu’aux jeunes, mais aussi à leur famille et à leur communauté d’appartenance. « 
Comme le précisait Jean-Paul Delahaye ancien Directeur général de l’enseignement scolaire : »Il faut aussi se poser la question de la structure même de notre système éducatif. Car la situation actuelle est en effet inhérente à un système qui n’a pas dès l’origine été organisé pour faire réussir tous les élèves, mais qui est tout entier et historiquement concentré, y compris dans certains de ses choix budgétaires, sur l’objectif de tri et de sélection des meilleurs. Notre école est pleine de ressources, la question est de savoir comment généraliser ce qui marche, comment lever les blocages, comment mieux soutenir les équipes qui innovent et comment ensuite passer de l’innovation à la transformation ».

Evolutions administratives

Pour l’heure, la ministre de l’Education nationale a déjà mis en oeuvre plusieurs mesures administratives pour ne plus enfoncer les adolescents dans l’échec, comme le " droit au retour" dans un établissement public. Le 14 novembre 2016) elle évoquait le bilan des décrocheurs 2015-2016, heureusement ramené à 98 000.

Mesures phares de la rentrée 2016, le droit de redoubler dans son établissement après un échec à l’examen (CAP, Brevet de Technicien, Bac, BTS) en conservant en outre le bénéfice de leurs notes supérieures ou égales à dix permet d’espérer qu’avec une implication accrue de l’ensemble de la société, le décrochage scolaire concernera de moins en moins de nos jeunes.

pour en savoir plus :

le dossier de presse de 14 novembre 2016 ( 15 pages) : http://www.najat-vallaud-belkacem.com/wp-content/uploads/2016/11/Tous-mobilise%CC%81s-pour-vaincre-le-decrochage-scolaire.pdf

un site de l’Onisep dédié à l’amélioration du lien parent/école dès le primaire : http://mallettedesparents.onisep.fr/

Jean-Paul Delahaye : Pour un « PISA CHOC » enfin !

Danielle Zay - Contre l’exclusion : "Jamais seul !"