Quelle Europe proposez-vous ?

Table Ronde des représentants de listes de gauche pour l’élections au Parlement européen

Jeudi 25 avril 2024 à 20h00
Hall Philippe Hemet, salle polybar 1 rue Pierre de Coubertin, 95300 Pontoise

Quelle Europe avons-nous ?

mardi 26 février 2019
par  Bénédicte ARIES
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Avant que Pontoise Ensemble ne propose une réunion publique le 15 mars prochain sur le thème « Quelle Europe voulons-nous ? » pour réfléchir aux élections européennes du 26 mai, les conférences de l’Université ouverte de Cergy-Pontoise donnaient la parole à Maurice Braud en Octobre 2018 pour qu’il évoque « Les défis européens actuels ».

On peut encore écouter en vidéo ce président de l’association Jean Monnet proposer son « regard sur l’état de la construction communautaire dans l’environnement mondial actuel » mais cela ne rend pas compte du débat qui a suivi.

Une réalité géographique et historique difficile à cerner

Maurice Braud, historien de formation, a d’abord insisté sur le fait que l’Europe n’était jamais simple à définir, ne serait-ce que sous l’angle purement géographique. Si les frontières atlantiques paraissent évidentes, ce n’est pas le cas de la frontière méditerranéenne, car les racines avec la rive sud sont profondes et très anciennes : « L’Algérie était déjà le grenier à blé de Rome ». La limitation est encore plus délicate à poser à l’est : « si c’est le détroit du Bosphore , que fait-on de la Turquie ? » , « va-t-on jusqu’à l’Oural » comme le proposait le Général de Gaulle ?

L’angle historique est tout aussi incertain : faut-il se référer à l’empire d’Alexandre le Grand, à celui de Rome, de Charlemagne, de Bonaparte ? Le conférencier soulignait cependant que la période 1870 1950 a été une période quasi interrompue de conflits sanglants. Cela a suscité de multiples appels aux valeurs de droit, de justice pour élaborer des cadres de relations interétatiques garants de paix.

Maurice Braud concluait que l’Europe est « un construit historique susceptible d’évoluer » avant de rappeler les grandes étapes de la construction européenne.

Une construction européenne parfois chaotique

5 mai 1949 : création du Conseil de l’Europe, organisation intergouvernementale distincte de l’Union européenne regroupant aujourd’hui 47 États membres dont les 28 États membres de l’UE. Le traité de Londres a été signé par 10 États (Belgique, Danemark, France, Irlande, Italie, Luxembourg, Norvège, Pays-Bas, Royaume-Uni, Suède). Ce Conseil de l’Europe apparaît comme l’organisation des États attachés à la démocratie libérale et au pluralisme politique. Il siège à Strasbourg, se concentre sur les questions de droit et de démocratie. La Convention Européenne des droits de l’homme et la Cour Européenne des droits de l’homme qui l’applique constituent les chevilles ouvrières du Conseil.

9 mai 1950 : création de la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier (CECA) structure supranationale de six pays sur les deux secteurs clés indispensables aux guerres : le charbon et l’acier. C’est la première entité organisation basée sur des principes résolument supranationaux qui ne rend compte qu’à l’ensemble des peuples et des Etats membres. Elle n’existe plus depuis le 22 juillet 2002.

30 août 1954 : échec de la Communauté européenne de défense (CED) qui aurait créé une armée européenne, commandée de façon supranationale. Ce projet de traité a été ratifié en 1952 par la République fédérale d’Allemagne, la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas mais rejeté par les parlementaires français par 319 voix contre 264.

1957 : création par le traité de Rome d’une Communauté économique européenne (CEE ), à la coopération économique approfondie en 1986 par l’Acte unique Européen. Ce document ne donne pas de rôle spécifique au Président du Conseil des chefs d’Etats et de gouvernement, le rôle de représentant international de l’Europe restant dévolu au Président de la Commission Européenne.

1992 : création par le traité de Maastricht d’une union politique qui prend le nom d’Union européenne (UE) . Il crée une citoyenneté européenne. Il permet de circuler et de résider librement dans les pays de la Communauté, de voter et d’être élu dans l’État où l’on réside pour les élections européennes et municipales (pas les législatives). Il élargit la liste des droits dont il garantit le respect : droits sociaux, égalité hommes-femmes, services publics. Il renforce la protection des droits fondamentaux et interdit toute discrimination. Il prévoit enfin la création d’une union économique et monétaire dotée d’une monnaie unique, l’euro, crée en 1999.

Premier trimestre 2005 : échec du projet de Constitution européenne sur refus français et néerlandais de ratifier le texte élaboré par le Conseil européen pour éviter le risque de paralysie d’une Europe qui s’élargit. Cette constitution redéfinissait les scrutins en pondérant le vote des Etats par la population représentée : « la majorité qualifiée requise est constituée des deux tiers des États membres, représentant au moins les trois cinquièmes de la population de l’Union » (art. 24-2). Les petits Etats devenaient moins susceptibles de bloquer le fonctionnement européen.

Cet échec est partiellement dépassé par le traité de Lisbonne en décembre 2009 qui intègre ses principales dispositions . L’Union reçoit enfin la personnalité juridique, la Charte des droits fondamentaux devient enfin contraignante, la présidence du Conseil (des chefs d’Etats et de gouvernements) Européen arrête enfin de changer tous les six mois, il existe enfin un Haut représentant de l’Europe pour les affaires étrangères. Mais le vote à la majorité qualifiée n’est pas complètement mis en œuvre.

Saluons in fine le fait que le 12 octobre 2012, l’Union européenne reçoit le Prix Nobel de la Paix pour « sa contribution à la promotion de la paix, la réconciliation, la démocratie et les droits de l’Homme en Europe », ce qui était l’objectif de sa fondation.

On voit là que rien n’est allé de soi en soixante ans. Maurice Braud souligne dans sa conférence que si les institutions semblent être inchangées l’équilibre entre elles s’est modifié. Ainsi le Parlement européen est élu au suffrage universel direct depuis 1979. C’est un scrutin de liste proportionnel. A ce titre c’est la seule institution qui représente directement chaque peuple, dans ses diverses sensibilités. Mais la Commission européenne est composée d’un commissaire européen par Etat membre (actuellement 28) proposé par les chefs d’Etat et de Gouvernement qui composent le Conseil européen. L’approbation de ces nominations par le Parlement européen ne leur donne pas la même légitimité démocratique.

De fait en 2018 le président du Conseil Européen (qui réunit chefs d’Etat et de gouvernements) est devenu plus influent que celui de la Commission Européenne. On peut donc considérer que l’Europe fonctionne plus en union intergouvernementale (influencée par l’échelonnement permanent des élections nationales) qu’en union supranationale.

Les grands enjeux internes à l’UE.

Une meilleure coordination des budgets des pays membres découle de la monnaie unique mais les gouvernements renâclent de plus en plus à s’y astreindre. La difficulté nationale à respecter les règles internationales adoptées par l’ensemble de l’Union européenne est patente.

L’évolution pro-intergouvernementale de l’UE a nourri le sentiment de déficit démocratique. Comment « mieux » faire ensemble ? Il y a besoin de faire plus de consultations, qu’elles soient plus largement débattues partout.

L’évolution de l’UE n’a pas incité à renforcer le sentiment d’identité européenne. Malgré les difficultés linguistiques il y a urgence à renforcer les échanges entre les populations européennes pour que les peuples se connaissent mieux. Erasmus ne suffit pas car il ne concerne qu’une petite partie des populations.

On ne peut que constater le succès actuel des théories populistes nationalistes, même si elles n’ont pas toutes débouché sur une demande de sortie de l’Union Européenne. Le Brexit d’un pays qui avait été à l’origine très moteur de la construction européenne est particulièrement significatif. La passivité de l’ensemble des pays européens qui n’ont pas voulu soutenir le « remain » l’est tout autant selon Maurice Braud.

Comment fera l’Union Européenne si en mai c’est une majorité de parlementaires anti-européens qui est élue au Parlement européen ? Comment seront-ils capables de développer un projet ?

Les grands enjeux internationaux

Les turbulences économiques dépassent largement l’échelle Européenne. L’échec des grands accords commerciaux internationaux, nécessitera sans doute que l’UE se recentre sur son marché intérieur et moins sur une puissance exportatrice pensée par Etat membre.

Les crises guerrières et le bouleversement climatique enclenchent des déplacements de population. Cette question des migrations n’a pas été traitée efficacement par l’Union Européenne. Elle en est à ne pas faire respecter le droit d’asile !

La réalité démographique européenne est collectivement niée selon Maurice Braud. Alors que le solde démographique est au mieux stable et que de nombreux pays sont en manque de main d’œuvre, l’accueil de travailleurs non européens est un parcours d’obstacle. Les sociétés les refusent sauf dans les secteurs sanitaires et de services à la personne et refusent de voir que les secteurs Bâtiments Travaux Publics, agricole, et hôtellerie-restauration sont de grands employeurs de clandestins.

Ce constat que l’Europe que nous avons est insatisfaisante nous permet de rappeler que Pontoise Ensemble interroge publiquement des représentants de listes candidates le 15 mars sur "l’Europe que nous voulons"

Pour suivre cette conférence : https://universiteouverte.u-cergy.fr/les-defis-europeens-actuels/
Pour s’informer sur l’Europe : https://europa.eu/european-union/index_fr


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